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détenteurs du bon gout
29 mai 2011

Enième pamphlet, envoyé cette fois-ci par courrier à l'intéressée

femina2011_05_22

Chère Version Femina,

Je vais te tutoyer parce que je te vends tous les dimanches, du coup ça nous rend un peu intimes. Tu peux me tutoyer aussi si tu veux.

Je t’écris pour te poser une question : est-ce que par hasard tu ne nous prendrais pas un peu pour des connes ? En effet, ce dimanche 22 mai 2011, que vois-je à ta une ? Un titre, qui me fait sauter au plafond (mais rassure-toi, je ne t’écris pas pour te faire un procès à cause de ma bosse) : « pour ou contre le congé maternité pour les pères».

En premier lieu, j’aurais besoin que tu confirmes ou infirmes l’idée que je me fais du journalisme et du journaliste. Dans mon imagination, ce sont des gens cultivés, voire très cultivés, qui en ont bavé pour en arriver là où ils sont, quitte à se cogner au moins un master et/ou une école de journalisme. Je me disais, qu’après une moyenne de bac+5, ils savaient donc se servir d’un dictionnaire.

Je me saisis donc de mon micro Robert pour en arriver là où je veux en venir, au cas où ma pensée précéderait trop rapidement la tienne : « Maternité : état, qualité de mère ». Visualises-tu désormais la totale antinomie de ton propos ? Congé de l’état de mère pour les pères ? Non toujours pas ?

Je suis en CAP, et même sans avoir eu de cours d’éducation sexuelle, je sais qu’un père ne peut pas (du moins techniquement) être enceinte. Je me demande donc, tout à fait légitimement, tu en conviendras si a)tu es idiote b) tu es un magazine futuriste, surréaliste ou adepte de l’Oulipo, ou bien c) tu nous prends pour des connes. Le petit a) remet en question la qualité d’une publication tirée à je ne sais combien d’exemplaires et la qualité de ses rédacteurs, mais même les crétins ont le droit d’avoir du travail. Le petit b) est plutôt rigolo. Le petit c), plus plausible, me rend un peu triste parce que je te vends beaucoup, je n’ai entendu personne se plaindre de ta bêtise et ça remet en question ma foi en l’humanité.

Ma seconde réflexion est la suivante. Mais comment oses-tu traiter toutes tes lectrices de boniches ? Je m’explique. Dans l’insoluble dilemme que tu mets en place, tu réponds, en usant comme tu le fais des mots, à ta propre non-question : les hommes ne peuvent pas prendre la place des femmes, et que sont les femmes : des mères. PAF ! Dans ta face la lutte pour l’égalité des sexes. Je crois profondément que l’avancement vers un monde moins misogyne passe par un accès similaire des hommes et des femmes au travail. Mais comment donner la même place à une grognasse qui va s’arrêter au moins quatre mois (et encore si elle en pond qu’un seul), et prendre des RTT par-ci, par-là, parce que sa progéniture fait caca mou ? On ne peut pas faire confiance à des créatures pareilles. Mais, si nos chers homologues masculins avaient pour obligation d’en faire autant, pouf tous à la même enseigne et puis voilà.

Par ailleurs, faire sortir les femmes de leurs rôles d’esclave domestique, ça n’est pas seulement les autoriser à se faire élire présidente ou à devenir PDG d’Areva, c’est aussi intégrer les hommes à cette fameuse sphère domestique, donc au linge sale, mais aussi à la parentalité. En posant la question en ces termes chère Version Femina, tu nous cantonnes, nous qui avons eu le malheur de naître pourvues d’un vagin, au seul rôle que l’Histoire a bien voulu nous donner mais tu exclus aussi les pères, pauvres bougres qui n’ont pas accès à la grossesse, à leur simple état de collecteur de fric.

Le drame dans tout ça, c’est que personne ne réalise que toi (parmi tant d’autres, mais bon là, quand même, tu fais fort), tu nous enfonces et nous condamnes tous et toutes à stagner dans un rôle social prédéfini et pas forcément sympathique. Etre traitée de la sorte par des personnes cultivées ne me donne pas confiance en l’avenir. Mais c’est bien, grâce à toi, que j’envisage sérieusement de me faire ligaturer les trompes.

Bien à toi.

Ina

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Commentaires
V
En fait, rien à dire, sauf que tu es mon idole.
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