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détenteurs du bon gout
26 janvier 2012

Simply the best

bobby

À Mael

Avant que M ne vienne investir mon canapé et mon capital et les cadavres de mes bouteilles de vin, Bob Dylan était pour moi un obscur type qui avait vaguement fait quelques chansons pas mal et que tout le monde prenait pour un prophète visionnaire et sanctifié, une sorte de statue vivante de la contre culture américaine des sixties, dont la seule arme fut un harmonica strident et insupportable. Il n'en restait aujourd'hui qu'un pauvre type usé, peut-être même déjà mort, dont la voix de canard avait muté en instrument rendu rocailleux par l’absorption de mille verres de whisky et l'exhalaison de dix milles cigarettes sans filtre. Et puis M est arrivé, fan numéro un, à défaut d'être fan de la première heure, et avec lui plus de cinq heures de musique dylanienne.

Quelle force ! Quelle puissance ! Quel panache !

Bref, sans l'avoir voulu, j'ai commencé à aimer le petit Bobby. Bob a sorti il y a de cela quelques temps déjà une autobiographie, laconiquement appelée Chroniques, le tome premier d'une série de trois volumes, dont les deux suivants sont encore dans un coin de sa tête. Le moment était venu pour moi de le lire. Aucune déception, au contraire, voici une plongée plus qu'intelligente dans la vie de celui qui, malgré lui, a changé pas mal de choses dans la musique américaine et la vision du monde de pas mal de gens.

Plus qu'intelligente, oui, car son auto-brio-graphie (WTF?) n'est pas une œuvre linéaire et chronologique. Dès la première page, Bobby a vingt ans, il vient de débarquer à New York et vit sur les canapés de musiciens rencontrés dans les clubs de jazz où il se produit. Il est à quelques minutes de signer son premier contrat dans une maison de disques. Son enfance, il l'évoquera ici et là au fil des pages, sans vraiment s'y attarder. Car une légende n'a, semble-t-il, pas eu d'enfance et de moments honteux.

Puis on a Dylan à différents moments charnières de son existence, dont deux véritablement marquants et qu'il arrive parfaitement à expliquer et à redonner vie. Ce type sait quand même écrire. Il nous parle tout d'abord de son incapacité à gérer une image qui l'a dépassé, celle de prophète de la contre culture. Il nous raconte comment sa maison a été à plusieurs reprises prise d'assaut par des hippies surexcités d'approcher enfin l'Idole, le Guide, le Messie et tout ce qu'on veut de biblique, tout ce que Dylan refusait d'être. La célébrité lui a fait du tort, il a du fuir avec femme et enfants sous le bras pour échapper à cette gloire qu'il ne supportait pas (dixit la quatrième de couverture du livre). Voyant que ses efforts ne servaient à rien et qu'on arrivait toujours à le retrouver, il a changé son style et ses textes, se perdant totalement dans l'objectif d'être quelqu'un d'autre.

Car sa créativité s'est essoufflée, a disparu et voilà Bob en plein doute. Second moment très fort du livre, et donc, de sa vie. Les passages où il évoque ce trou créatif, et comment il tenta tout pour retrouver la force d'écrire et de composer (tout et n'importe quoi, il faut bien le dire, allant jusqu'à demander conseil auprès de Bono(bo) de U2) ces passages disais-je ont des échos de Fitzgerald qui, dans La fêlure, expliquait toute son impuissance et son incapacité à écrire. Vraiment fort.

Et au milieu de tout cela, on découvre le Dylan grand lecteur et mélomane, citant toutes ses références littéraires et musicales. Évidemment, on se perd un peu dans le catalogue des bluesmen et des folk singers qui l'ont inspiré, car tous ces types sont complètement obscures pour des non initiés comme moi. On retrouve un nom qui revient sans cesse, père spirituel du petit Bobby à l'époque où il interrogeait le ciel de Minneapolis : Woody Guthrie, que Dylan va voir de temps en temps à l’hôpital. On retrouve également Robert Johnson, autre prophète d'un autre temps, mort dans des circonstances plutôt louches après avoir, dit-on, vendu son âme au Diable, et que Dylan a découvert le jour où il signait son contrat à la Columbia.

Dylan est un sacré bon écrivain, tout de même, et la lecture de son autobiographie est véritablement agréable. Manque juste quelques pages sur sa relation avec Joan Baez (évoquée en deux mots à la fin du livre) et, surtout, sur ces années soixante qui ont fait de Robert Zimmermann l'immense Bob Dylan. Espérons que les deux tomes suivants s'y attarderont.

Et, pour finir, une petite allusion gratuite. Enjoy.

 

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Commentaires
L
LOL
I
love sur toi, sur Bobby et sur M. Mort aux putes.
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