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détenteurs du bon gout
26 mai 2011

Un bouquin comme on en voit qu'un par décennie, pas de chance, celui-ci date de 1968

dernier_stade_de_la_soif

 

Arrêtez tout ! Laissez tout tel quel parce que ce que vous faites n’a aucune importance. Vous perdez du temps, vous êtes préoccupé par des choses futiles, plaquez tout, envoyez tout balader car rien ne mérite que vous vous fassiez tant de mouron, restez digne, oui, lâchez tout.

Il vous faut un truc nouveau, quelque chose d’exceptionnel qui donne un sens à votre vie, quelque chose d’incroyable qui vous fait sentir différent, si j’ose dire quelque chose qui vous ouvre les yeux sur vous-même et qui vous permet d’être une personne meilleure. A fan’s note. Le dernier stade la soif en VF a été écrit pour ça, pour que votre jauge d’estime de vous se régénère.

Sincèrement, voici LE livre qui va changer votre vie, que vous ayez une piètre opinion de vous ou, au contraire, que vous soyez sûr de la pertinence de vos choix et de votre vie. Ce livre vous bouleversera à tout jamais. Oui, c’est-ce que vous a dit la quatrième de couverture de pas mal de bouquins, et vous en êtes un peu revenu de ce genre de formule toute faite, mais là, c’est totalement justifié. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce livre n’a aucun équivalent, il est juste excellent et que, vraiment, il ne vous laissera pas indemne.

Je tourne autour du pot. Il y a eu un précédent, Jérôme, de Jean-Pierre Martinet, un bouquin excellent sur le vide, l’obsession et la perte de toute humanité. Frederick Exley, l’excellent auteur du Dernier stade de la soif (la preuve de son excellence, il n’a fait que ce livre et est mort dans la misère en tutoyant le minable, comme le bon vieux JPM) est dans la même impasse : quel sens a la vie lorsqu’on subit électrochocs, perte de conscience, fausse crise cardiaque, coma éthylique et combat fantasmé, quand sa vie tourne autour de l’alcool, la défaite et Franck Gifford (qui ça ? une superstar de foot US dans les années 60) ? Que reste-t-il quand on a peur de ses propres jumeaux, quand on décide de traverser mille fois le pays sans véritable but, quand on dort sur le canapé d’un avocat taré en côtoyant des personnages à la fois touchants et dérangés (comme cet obèse minuscule qui ne souhaite qu’une chose, faire des cunnilingus, et qui meurt dans d’atroces circonstances, atténuées par la poésie d’Exley) ? Vraiment, il n’y a que le néant. Et c’est exactement là où nous mène le livre.

On n’a pas le droit d’évoquer « une descente aux enfers » puisque cette expression est totalement galvaudée, déformée et utilisée à toutes les sauces, surtout les plus larmoyantes par des imposteurs sans talent. Mais l’idée est là. La facilité d’une descente aux enfers, c’est qu’elle est progressive et chronologique. Là où Exley prouve qu’il est grand, c’est que le temps est éclaté en une sorte de va et vient fascinant, entêtant, déboussolant, désolant. On croise les fantômes d’un autre grand homme, le bon vieux Scott Fitzgerald, et le rapprochement entre la vie de Francis et de Frederick est flagrant : deux génies fracassés.

Quel chef d’œuvre ! Merde, puisse ce livre être lu durant des années et des années, appris par cœur à la maternelle, étudié en profondeur au lycée, acheté par tous.

De quoi vous plaignez-vous ? Voulez-vous vraiment plonger dans les tréfonds de l’âme humaine ? Ou bien simplement rester à la surface, cette jolie surface rassurante qui, finalement, ne doit supporter que le dérangement de quelques vaguelettes gentillettes ? Plongez en apnée, sans tuba, sans rien, non, ce n’est pas un plongeon, c’est une noyade, coulez, coulez, suffoquez. Voici ce que vous vivrez en sortant de ce livre.

Et puis il y a des instants de grâce, des phrases jolies qui vous prouvent qu’Exley sait écrire, tellement belles que vous regretterez qu’il n’ait écrit que ça, pas un autre livre, pas une œuvre de quatre mille pages, pas de quoi sortir un tome d’œuvres complètes en Pléiade, alors qu’il a largement sa place dans cette collection.

Merci aux éditions Monsieur Toussaint Louverture pour nous avoir offert ce texte, merci à Frederick Exley d’avoir eu une vie aussi minable (on a le droit de formuler ce genre de remerciement ?) et d’avoir été si taré qu’il s’est senti obligé d’écrire ce livre, merci d’ailleurs à tous ces écrivains qui ont laissé, avant de mourir, le témoignage de leurs échecs, merci, du fond du cœur, sincèrement, MERCI.

Ce livre est grand, et il n’y a rien de plus à ajouter.

Le dernier stade de la soif - Frederick Exley - ed. Monsieur Toussaint Louverture - 23.50 euros - Immense chef d’œuvre - Livre magnifique, même dans la fabrication, parce que ces canailles de Toussaint Louverture savent faire des livres splendides.

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Commentaires
L
Quel superbe commentaire... J'ai acheté ce livre sur les conseils de ma libraire, et parce qu'il fait étrangement écho, avant que je ne l'ai lu, à un livre que je publie au mois d'août, et dont le personnage depuis huit mois maintenant ne me quitte plus. Les editions Toussaint Louverture ont réalisé un magnifique travail d'incarnation du livre. J'aime beaucoup la carte grise poiçonnée à sec, un visage, mais aussi comme des traces de pas dans la glaise. <br /> Vous m'avez donné l'impatience de lire ce Dernier Stade de la soif, je serais heureuse de vous faire découvrir Bienvenue à Oakland. <br /> A vous<br /> Lilas Seewald
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