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détenteurs du bon gout
17 mars 2011

John Irving a-t-il tout dit?

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Je n’ai lu Garp qu’en 2005. Sans trop savoir quel monstre, sacralisé par toute la presse littéraire, était John Irving. Si je l’avais su, probable que je n’aurais point lu. Généralement trop de bruit autour d’une œuvre fait en sorte de m’en éloigner. Je ne verrais Black Swan qu’en 2017.

J’ai quand même lu Dernière nuit a Twisted River, en me disant qu’un petit Irving, même si je m’étais bien faite chier sur Une Prière pour Owen, ne fait jamais de mal. Malgré un point de départ absolument génial, ça tombe à plat, comme un soufflé mal cuit.

Tout commence dans un camp de bûcherons du Nord du New Hampshire où vivent Dominic, le Cuistot veuf et boiteux, Danny son fils de douze ans et Ketchum, le bucheron alcoolo mais sympathique. Après 70 pages à ne pas comprendre grand-chose (la faute à mon ignorance des techniques des bucherons des années 50), l’élément déclencheur arrive enfin. En plein milieu de la nuit, Danny croit voir son père se faire attaquer par un ours. Alors, comme dirait Ketchum « il se retourne pas les couilles », ni une ni deux, il s’empare de la poêle à frire qu’il fracasse violement sur la tempe dudit ours. Sauf que l’ours en question est la plongeuse indienne de 130 kilos à la chevelure démesurée (d’où la confusion avec l’ours) qui chevauchait vaillamment le Papa lors d’une joyeuse joute amoureuse. Mais feue notre ourse est également la dulcinée du shérif, un sombre alcoolique violent et fou furieux. S’ensuit donc le récit d’une cavale d’un demi-siècle.

Si le pitch est alléchant la lecture du roman dans son intégralité l’est bien moins. Ah certes John est fort en scènes fulgurantes de génie. A part le meurtre de l’ourse, vous aurez droit à la chute dans une porcherie d’une parachutiste nue, à une chasse à l’ourse menée par Ketchum le géant et son chien dégénéré, à des fusillades et des suicides rondement menés. Mais entre deux passages éclatants, il faut bien avouer qu’on se perd un peu dans les allers-retours dans le temps. D’un paragraphe à l’autre, plusieurs décennies ont pu s’écouler sans que le lecteur s’en trouve averti ; ça pourrait être poétique, c’est juste chiant. Couplé à quelques scènes moralistes sur l’alcool et les femmes, le tout traine finalement en longueur pour ne pas dire grand-chose de plus que ce qui avait été déjà signifié dans Garp. Le personnage de l’écrivain angoissé par la perte de ses enfants devient quelque peu redondant, sans surprises.

Rendons tout de même hommage à la belle ambiance bucheronne, à cette sublime atmosphère de fin fond du trou du cul de l’Amérique profonde, à toute cette neige partout, à Ketchum, le personnage, malheureusement secondaire, le plus truculent du roman. Il faudrait l’extraire de Twisted River pour le mettre chez  Garp, qu’il dise au coureur « Bon dieu, heureusement que tu ne courrais pas du temps que tu étais à Twisted River, parce que dans les coins que je connais par chez nous, en général quand je vois un gars qui court, je me dis qu’il a dû faire un sale coup et qu’il est en cavale. Un gars qui court, chez nous, c’est rare que tu te trompes en lui collant une balle. » Une bien belle leçon de vie.

 

 

John Irving, Dernière nuit à Twisted River, Seuil, 2011,22.80€

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