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détenteurs du bon gout
21 novembre 2011

Je t'aime moi non plus

perv

 

 

En préambule, une incantation : gloire aux éditions 13ème Note et à leurs choix très souvent (toujours ?) justes, gloire à leur catalogue simplement excellent où se côtoient des auteurs de très grand talent, gloire à leur amour pour la littérature américaine qui ferait vomir le révérend Camden de Sept à la maison, gloire à leur maquettiste qui sait fabriquer des bouquins magnifiques, bref, gloire aux saintes et aux saints qui travaillent pour mettre en lumière ces textes si énergiques, si puissants et, paradoxalement, si fragiles. Fragiles oui, car se tenir en équilibre entre le néant et la déchéance est un exercice délicat qu'il faut savoir affronter. Jerry Stahl le maîtrise parfaitement.

Qu'avons-nous dans ce livre au titre si poétique ? Plusieurs choses : ça commence comme dans L'attrape-coeurs de Salinger, ça se poursuit comme dans le grandiose Hair de Milos Forman et ça finit comme dans un mauvais rêve sous acide et poudre à faire pleurer Dennis Hopper, Peter Fonda et le Grand Jack dans les bras de la Sainte Vierge. Tout cela à la fois, ça ne peut donner qu'un grand roman.

Bobby Starck, quinze ans, est poussé par ses potes à sauter une fille dégueulasse pour oublier un peu la mort affreuse de son père, passé volontairement sous un tramway. Bonne idée. Sauf que, au moment où le bon Bobby besogne la baleine, le père de la fille débarque et retient Bobby pour lui faire une jolie leçon de morale à sa façon. Pas de sermon lénifiant. Non, au contraire, une explication couillue entre hommes. A noter que le père en question n'a qu'un bras et de sérieux soucis psychologiques. Alors, pour marquer le petit Bobby au fer rouge et lui apprendre la vie, voilà qu'il lui tatoue une jolie rose sur le cœur. On retiendra la métaphore qu'on voudra.

Le début est juste glauque. La suite est pire car le pauvre Bobby croise des personnages que l'espoir a délaissé et que la folie a gagné : sa mère traitée aux électrochocs, un vieil ami de son père alcoolique et pleurnichard, un pauvre taré du nom de Ned Friendly (bien vu)... Voici pour le côté initiation à la vie : comment se construire et comment trouver un sens à la vie quand on rencontre des gens que la vie, justement, a maltraité, a poussé à la dérive, a défiguré, a lessivé ? Aucune chance, reste la fuite, la découverte par soi-même. Fin de la partie Holden Caulfield, place à Claude Bukowski.

Parce que le bon Bobby retrouve miraculeusement la jolie Michelle, la fille dont il était fou amoureux en CM1. Celle-ci est devenue hippie, Hare Krishna, crâne rasé et robe orange, chantant et tapant sur des tambours dans les halls d'aéroports. Belle image de l'Amérique sixty, où l'on opposait les gentils gens qui travaillaient dur et les jeunes branleurs hippies. Voilà l'issue, se dit Bobby, et voilà qu'il met les voiles avec Michelle pour rejoindre San Francisco et l'amour libre et la joie de vivre et l'absence de contraintes. Paradis utopiste because hippie, mais Bobby y croit, et la vie sera belle et Michelle sera avec lui et plus rien ne pourra leur arriver d'affreux maintenant. Erreur.

Et ainsi de suite jusqu’à la dérive ultime et ultra-violente. Le rêve hippie ne marche pas non plus, et, finalement, l'ami Jerry pose la question sans jamais y répondre : comment grandir dans ce monde gangrené par la perversion ? On en revient au titre du livre : l'apprentissage de la vie est une perverse histoire d'amour.

Mon Dieu comme ce livre est excellent et chanter ses louanges à l'infini ne parviendra jamais à retranscrire la puissance de ce texte ni le plaisir de le lire, alors je me tais.

 

Perv, une histoire d'amour – Jerry Stahl - 13ème Note éditions – 19 euros – Pas cher.

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