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détenteurs du bon gout
24 mars 2011

Vous ne voyez que des huitres, Armand vous trouve la perle

levisoncouv

 

Iain Levison est un écrivain hilarant et plein de génie qui arrive à transformer une situation banale en scène cocasse et une pensée pontifiante en une fulgurance pertinente. Oui, Iain est un homme qui a du talent, et ses livres sont excellents. On a eu droit à l’autobiographie déguisée où le Iain raconte les mille et uns petits boulots qu’il fut contraint d’effectuer pour à peu près vivoter dans une Amérique destinée aux riches (Tribulations d’un précaire), on croise également deux romans noirs ancrés dans le social, le clownesque et le drolatique (Un petit boulot et Une canaille et demie) et un livre mauvais dont on ne va pas parler.

Bref, voici que l’ami Iain, d’abord publié en France avant de l’être aux Etats-Unis because les ricains sont un peu abrutis avec leurs bons écrivains (cf. l’extraordinaire et décisif Mark SaFranko et son ami tout aussi pétri de génie Dan Fante), l’ami Iain disais-je nous sort un nouveau bouquin à la couverture horrible et au titre (français) pas top (Arrêtez-moi là, The Cab Driver en VO, pas tellement plus sexy, certes).

On ouvre le livre, curieux et impatient. Petit préambule : une obscure chroniqueuse judiciaire, Nancy Grace, discute avec un brave type et Nancy « déplore que la loi américaine n’autorise pas la police à torturer un homme contre qui les charges ont été abandonnées ». Excellent, comme entrée en matière, isn’t it ? Le ton est donné : il y aura des injustices et des gens fanatiques donc tarés qui n’en auront rien à faire et qui voudront juste accuser le premier venu afin d’avoir moins de travail à faire dans leur journée monotone, et des gens qui voudront retourner au Far West où les lynchages règlent tous les problèmes et tant pis pour les jugements hâtifs. Oui, oui, oui, encore !

L’action se déroule à Dallas, Texas, et on a compris qu’il y aura une histoire de peine de mort et de rednecks dégénérés et de justice aléatoire. On entre dans un fait divers réel : un chauffeur de taxi est arrêté et emprisonné pour l’enlèvement et le meurtre d’une fillette qu’il n’a jamais croisé et dont on n’a jamais retrouvé le corps. Machinerie judiciaire qui s’emballe, accusation à tort, incapacité à se défendre, seul contre tous… Notre pauvre héros, Jeff, est perdu, impossible pour lui de hurler haut et fort que tout ceci n’est que pure folie, car personne n’est disposé à l’écouter, encore moins à le croire. Il faut dire que nous sommes dedans avec lui et, nous aussi, petit lecteur lambda bien au chaud dans notre canapé, on a envie de hurler notre innocence. À défaut, on donne un bon point à Iain.

Un autre bon point avec la galerie de personnages que le bon Jeff croise, deux en particuliers : un compagnon de cellule profondément taré (Robert, le serial killer sans remords parce que, après tout, pourquoi en avoir, il a pris plaisir à tuer et la est fille morte, il ne la reverra donc jamais) qui refuse CATEGORIQUEMENT qu’on l’appelle Bob, sinon il ne répond plus de rien, d’ailleurs, la dernière personne qui l’a appelé Bob, elle est six pieds sous terre aujourd’hui. L’autre personnage est l’avocat du bon Jeff, un tocard commis d’office incompétent et qui est aussi préoccupé par l’affaire qu’un gosse de quatre ans devant un débat d’experts en philosophie qui se déchirent sur la théorie quantique de quelques obscures données immédiates de la conscience. Bref, nous voici entraîné sur ce tapis roulant incontrôlable. Et tout est si parfaitement mené que l’inéluctabilité qu’on attend nous échappe soudain. Coup de théâtre, surprise, soulagement, non, replongée. Brillant.

Tout cela, finalement, ne veut rien dire. Je veux juste exprimer mon profond bonheur d’avoir lu ce livre et si toi, cher lecteur, derrière ton écran d’ordinateur, veut lire un bon livre parce que tu en as marre de te faire avoir par tes choix hasardeux, lis Iain Levison et point final.

 

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Commentaires
N
Bien vu, bien lu , je suis assez d'accord avec ce jugement
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