Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
détenteurs du bon gout
29 novembre 2010

Toute vie est processus de démolition, disait Fitzgerald dans La fêlure

livredesfelures




A quoi ressemble la littérature américaine aujourd’hui ? Des types brillants qui écrivent merveilleusement (Philip Roth, Don DeLillo, Percival Everett…), un gars qui a écrit le plus beau premier chapitre de la littérature et pis c’est tout (Paul Auster et Moon Palace), des bienheureux dans leurs ranchs dans le Montana (Rick Bass, Jim Harrisson), des cocaïnomanes cyniques (Bret Easton Ellis et Jay McInerney). What else ? Il ne manque qu’une frange dans ce panorama : les gars blessés, marqués, vaincus, épuisés et fêlés. Par bonheur, l’excellente maison d’édition 13ème Note a eu l’idée de regrouper tous ces gens-là dans une anthologie de nouvelles juste excellente : Le livre des fêlures.

Mais qu’est-ce donc ? Un pavé splendide de 686 pages très soigné, composé d’une profession de foi de la maison d’édition, d’une préface de cinquante pages évoquant la littérature américaine « vivante, cachée, de côté » d’aujourd’hui, deux dessins de la belle Kate Ruth, 31 portraits d’écrivains et, donc, 31 nouvelles.

Pour ouvrir le bal, Dan Fante, le fils de. Soit un type exceptionnel, immense écrivain, revenu des tréfonds de l’Enfer marqué au fer rouge, jusqu’à son tatouage/hommage à son frère « mort d’alcoolisme ». Dan Fante, le type par qui tout a commencé pour 13ème Note. L’éditeur, Eric Vieljeux, est un fan inconditionnel du fils du plus brillant écrivain américain. Las de voir que les textes du fiston sont tous épuisés, il le contacte pour le publier. Danny accepte. Puis il pistonne son pote Mark SaFranko, qui signe Putain d’Olivia, authentique chef d’œuvre inspiré par Fante senior et Selby junior (et un peu par Buck, il faut bien l’admettre) où un écrivain sans espoir détruit sa vie avec une nénette qui n’a pour seule préoccupation d’étouffer ledit écrivain. Bref, l’ami Marko est également dans cette anthologie des Fêlures avec une nouvelle d’une cruauté implacable, mettant en scène un acteur raté sur le retour, qui foire tout parce que le sexe a été plus fort que lui.

On a compris que ce Livre des fêlures relate quasi exclusivement l’histoire de tocards magnifiques, des défoncés qui creusent leur tombe bien profondément et même au-delà, des alcoolos qui veulent s’en sortir par l’écriture mais, devant l’échec, renoncent et replongent dans la biture. Mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi des nouvelles plus réalistes, plus sociales, où les seringues sont rangées, mais pas les idéaux. Exemple avec la nouvelle fameuse de Patrick De Witt (à découvrir avec Ablutions, chez Actes Sud) où un gars s’amuse à bousiller et saboter les maisons de luxe et les appareils inutiles de petits yuppies sans conscience. L’American way of life puritain ne résiste pas aux fêlés.

Tout ceci classé en quatre catégories (qu’il faut comprendre en lisant plusieurs fois la préface) : les neo-beats (Dan Fante en tête), le meta-réalisme (excellents Eric Miles Williamson et Scott Phillips), l’off-noir (SaFranko/DeWitt) et inside-out, les récits de taulards, d’ex-taulards, de gens touchants et sincères.

31 nouvelles par 31 auteurs vraiment excellents (allez, un aveu, il y a bien deux ou trois nouvelles qui ne sont pas à la hauteur, mais c’est le jeu). S’il faut une porte d’entrée vers une littérature différente, loin de tout conformisme, la voici. Il suffit ensuite de se glisser dans ses interstices, que dis-je, dans ses fêlures.

Publicité
Publicité
Commentaires
I
T'oublies Danielle Steel dans ton paragraphe sur tes idoles.
Publicité